[Tribune de Géraldine Poivert, Présidente et co-fondatrice The (RE)SET Company]
« Bien dire fait rire, bien faire fait taire » !
À quand un choc des matières premières recyclées ?
Il n’aura fallu que quelques mois aux marchés des matières premières, plombés par la pandémie au printemps dernier, pour retrouver leurs niveaux d’avant crise et même, pour certains, de les dépasser. Non seulement les matières premières seront chères cette année, mais pour reprendre la conclusion d’une étude récente de Goldman Sachs, elles abordent un marché haussier structurel comparable à celui du début des années 2000. La faute à la croissance chinoise, au réchauffement climatique, aux effets d’aubaines, aux crises politiques dans certaines régions du monde et, tout simplement, à leur raréfaction.
Ce n’est pas vraiment une découverte. Le monde entier en a conscience, et pas seulement les experts et le monde politique, mais aussi le simple citoyen. Chacun parle de l’impératif absolu d’une transition environnementale et appelle de ses vœux des plans de relance économique verts. Même les gestionnaires d’actifs de BlackRock appellent à verdir les actifs et à regarder du côté des matières...
Mi-janvier, leur patron Larry Fink annonçait dans une lettre à ses clients que le groupe voulait renforcer ses investissements durables et cesser d’investir dans des entreprises tirant plus de 25% de leurs revenus du charbon.
Le diagnostic est partagé par tous, les remèdes sont connus mais rien ne bouge, ou peu.
Mettons de côté les matières destinées à l’alimentation mais intéressons-nous un instant à toutes les autres : les métaux, le papier, les terres rares, le bois, les plastiques, la laine, le coton, le latex, le caoutchouc, le sable, le verre, … Elles ont plusieurs vies, pour peu qu’on la leur offre.
C’est le principe de l’économie circulaire, qui réduit les besoins de matière, les réutilise, les recycle, leur donne une nouvelle jeunesse, au bénéfice de notre planète et pour le profit de tous.
Or, rien n’est fait pour développer réellement le marché des matières premières secondaires dites recyclées, augmentant ainsi la tension sur les produits vierges. Bien sûr, les gains de productivité, les découvertes physiques ou technologiques permettent, à chaque fois, de repousser l’échéance et de refuser de voir l’inéluctable. Mais in fine, rien n’y fera : nul ne multipliera à l’infini les produits vierges, les matières premières.
Chez (RE)SET, nous préférons agir à rêver, faire plutôt qu’imaginer. Jean Le Cam, le héros du Vendée Globe, le rappelait au Président Macron qui le félicitait : « Bien dire fait rire, bien faire fait taire ». Cette citation du bibliothécaire du Roi Louis XV pourrait être aussi notre devise.
Provoquons donc dès maintenant un choc des matières d’hier pour qu’elles soient celles de demain ! Nous savons comment :
> En collectant les déchets-ressources pour que le marché existe et puisse satisfaire des besoins, non seulement en Europe mais partout dans le monde. Ce qui suppose une politique d’investissement en infrastructures massive dans les pays en voie de développement et moins de tergiversations chez nous... Du concret, des actions !
> En concevant nos produits afin qu’ils puissent bénéficier de plusieurs vies : cela s’appelle l’éco-design. A titre d’exemples : faire des meubles en panneaux de particules recyclables, permettre de réemployer les déchets inertes du bâtiment pour reconstruire, retisser nos vêtements avec les matières d’hier et exploiter encore davantage la fibre recyclée dans le packaging. Trop souvent nous attendons le moment du recyclage pour se
poser la question, freinant de fait toute nouvelle vie. Mais pour éco-concevoir, il faut tomber d’accord sur les standards du recyclage et construire les usines à l’appui. Là aussi, trop de temps passé en querelles sur les matières à privilégier obère d’autant l’avenir du recyclé…
> En assurant la viabilité économique du modèle : le déchet-ressource doit être compétitif. Toutes les filières et les éco-organismes doivent y travailler : concevoir le produit, sa collecte, son tri et son recyclage dans un équilibre de marché. Nul n’achètera des matières recyclées trop onéreuses. Surtout si l’on ne corrige pas le prix des matières vierges par une taxe carbone au niveau et par une internalisation des externalités !
> En travaillant sur la qualité de ces matières : nul ne les utilisera si elles ne sont pas iso-performantes. Les futurs utilisateurs doivent définir leurs critères et leurs besoins pour donner de la visibilité aux opérateurs du recyclage.
> En facilitant l’homologation qualité et la normalisation des matières recyclées. Pour l’emballage, seule une résine (le PET) est aujourd’hui apte au contact alimentaire : c’est très insuffisant pour répondre aux besoins des marques.
Investissons, et provoquons un choc de la demande basé, non pas sur la crainte de sanctions financières, mais bien perçu comme une immense opportunité de croissance.
Le 20e siècle était celui de la productivité, le 21e sera celui de la (RE)SSOURCE !
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#chocdesmatièresrecyclées