[Pierre Monnier pour Emballages Magazine]
Si la loi Antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) a posé les bases de la transition écologique, le secteur cosmétique compte bien aller au-delà de la réglementation. La Fédération des entreprises de la beauté (Febea) a présenté le 24 juin son « Plastic Act », un plan d’action qui vise à installer des emballages durables dans le domaine de la cosmétique. Avec l’aide de The (Re)Set Company, un cabinet spécialisé dans l’économie circulaire fondé et présidé par Géraldine Poivert – ancienne directrice générale d’Ecofolio –, une mission de six mois a été menée pour définir au mieux les avancées possibles pour les entreprises du secteur. Dans son numéro de juin-juillet dont le dossier est consacré à l'hygiène-beauté, Emballages Magazine propose un entretien approfondi avec Emmanuel Guichard. Le délégué général de la Febea y dévoile les grandes lignes du plan d'actions.
Une transformation économique et industrielle
« Pour mener cette démarche inédite, nous avons suivi une méthode en quatre temps, avec de nombreux experts et représentants du secteur. Après avoir élaboré un diagnostic commun des enjeux des emballages plastique cosmétiques, nous avons évalué le potentiel 4R de chacune des catégories de produits, puis défini une trajectoire à horizon 2025, explique Géraldine Poivert. C’est ainsi qu’est né le Plastic Act, pour concrétiser les objectifs en actes et permettre ainsi à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, d’opérer cette transformation économique et industrielle. »
Il en ressort une stratégie en quatre points qui prend en compte le décret dit « 3R » relatif à la réduction, au réemploi et au recyclage applicables aux emballages de la loi Agec, mais qui va au-delà de ces obligations légales. Durant la consultation des entreprises, « nous avons vu un potentiel immense pour faire plus », se réjouit Géraldine Poivert. À travers six catégories et une quarantaine de types de produits, la Febea et The (Re)Set company ont agrégé des chiffres consolidés pour chaque catégorie de produit permettant de définir la trajectoire globale 4R 2021-2025 du secteur cosmétique.
Travailler tout au long de la chaîne de valeur
Ce plan d’action se justifie par l’attente des consommateurs, mais aussi par sa faisabilité. Aujourd’hui, de grands acteurs de la beauté ont pris des engagements forts. C’est pourquoi la Febea souhaite fédérer et catalyser les énergies de l’ensemble du secteur afin que petites, moyennes et grandes entreprises partagent une même ambition et une même feuille de route. Et ce, même si l’hygiène-beauté ne représente que 5 % des emballages ménagers en plastique. Car au sein de cette filière, le matériau représente 44 % du poids total des solutions mises sur le marché, soit 55 000 tonnes de résine annuelles.
« Les Français sont en attente forte d’engagements de la part des entreprises et des secteurs comme le nôtre. Il faut accélérer et développer des actions concrètes pour réduire résolument notre empreinte plastique, estime Emmanuel Guichard, le délégué général de la Febea. Avec le Plastic Act, nous affirmons notre volonté d’agir collectivement pour un monde plus respectueux de l’environnement, et d’offrir à nos consommateurs des produits et des emballages correspondant à leurs exigences. Pour réussir, nous travaillerons avec l’ensemble de notre écosystème, tout au long de la chaîne de valeur – notre éco-organisme Citeo, les fabricants d’emballages, les recycleurs – pour développer des solutions accessibles à toutes les entreprises. »
Quatre objectifs plus ambitieux que la loi
D’ici à 2025, la Febea poussera le secteur et l’accompagnera pour atteindre quatre objectifs. La réduction de 15 % de la quantité de plastique utilisée – contre 10 % dans le décret « 3R ». Selon l’organisation professionnelle, la généralisation de l’écoconception permettrait de réduire de 5 à 20 % le besoin de matière en développant des produits concentrés ou des grands formats pour réduire le ratio packaging-formule. La substitution est également un axe qui devrait permettre de faire baisser de 10 à 20 % le recours au plastique. Mais ici, il s’agira de choisir un emballage en verre ou de créer des solutions en papier capable de résister à l’humidité et aux risques bactériologiques. Pour cela, des efforts en recherche et développement (R&D) seront nécessaires pour rendre les fibres cellulosiques imperméables et leur apporter des fonctions barrière.
Le second objectif est de réemployer 20 % de la résine mise sur le marché – deux fois plus que stipulé dans le décret « 3R ». Cette fois, c’est par la recharge et le vrac que l’association espère atteindre ce chiffre. Les principaux freins seront la recyclabilité des recharges, souvent composées de films complexes mixant polyéthylène téréphtalate (PET) et polyéthylène (PE). Si des alternatives « tout PE » existe, leur démocratisation sera l’une des clés pour pérenniser ce système qui pourrait bénéficier de l’essor de l'e-commerce. En France, 15 % des produits de beauté sont achetés sur le Web, soit deux fois moins qu’au Royaume-Uni où plus d’un achat sur trois (36 %) passe par Internet. Enfin, la Febea veut aider à la mise en place d’offres en vrac en élaborant des standards sanitaires pour le remplissage sur les lieux de vente. Là encore, certaines marques se posent en pionnières. C’est le cas de L’Occitane qui a même intégré un stérilisateur à son meuble vrac pour assurer une hygiène des emballages avant leur remplissage.
Sensibiliser au geste de tri dans les salles de bains
L’enjeu de la réincorporation des plastiques est une nouveauté par rapport au décret « 3R ». Pour autant, la Febea estime que 10 à 25 % de la matière mise sur le marché pourrait devenir à nouveau des emballages. Pour aider l’ensemble des entreprises à trouver de la matière recyclée, l’organisation voudrait mettre en place un « Cosmetic Grade », une qualité de plastique recyclé adaptée au domaine cosmétique. Pour l’heure, les produits d’hygiène-beauté doivent utiliser le « Food Grade », très demandé par l’agroalimentaire. Surtout, ce nouveau standard de qualité permettrait de valoriser l’économie circulaire du PE ou du polypropylène (PP), davantage employé pour la cosmétique, aujourd’hui largement minoritaire face au PET recyclé. « La normalisation peut avoir un temps de retard sur l’innovation, reconnaît Emmanuel Guichard. Nous avons besoin de travailler sur cela afin que l’innovation ne soit pas tuée avant sa normalisation. »
Enfin, le dernier point du Plastic Act se conforme au décret « 3R », puisqu’il s’agit de recycler 100 % des emballages plastique. Deux méthodes doivent donc être mises en place : rendre recyclables les produits du côté fabricant, mais aussi activer le recyclage et le geste de tri du côté consommateur. En septembre, une nouvelle campagne de sensibilisation en partenariat avec Citeo doit être organisée. Il s’agira de rappeler la nécessité de collecter ses packagings dans la salle de bains, un lieu où le geste de tri est peu appliqué alors qu’il regroupe la quasi-totalité des produits cosmétiques.
La présentation du Plastic Act a aussi permis à la Febea de dévoiler sa raison d’être : « Prendre soin de vous, respecter la beauté du monde ». Une phrase qui « marque une étape importante pour le secteur cosmétique, souligne Emmanuel Guichard. C’est pourquoi nous l’avons coconstruite avec toutes les entreprises du secteur, mais aussi ses parties prenantes. » Et de conclure : « Elle reflète notre ADN et démontre notre contribution à la société. »
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